Depuis le 29 mars 2021 j’anime des ateliers de sophrologie hebdomadaires dans deux structures du Samusocial de Paris : le centre Oasis ainsi que le centre de l’Hôtel de Ville.
La mission est passionnante et il me semble intéressant de présenter dans un premier temps ces deux structures et leurs fonctions, puis d’apporter une tentative de réponse à la question : « que peut la sophrologie dans ce cadre ».
Samusocial de Paris : une présentation des deux structures*
Les deux structures sont non mixtes et accueillent des femmes vivant en situation précaire. Leur objectif est de leur offrir un espace où se reposer, se laver, laver leur linge, obtenir des vêtements et accessoires neufs ; prendre une collation ; bénéficier d’un accompagnement social pour trouver un hébergement, une domiciliation, obtenir ou renouveler une couverture médicale, une carte transport ; être orientées vers une structure de soin adaptée et vers des soins gratuits ; rencontrer d’autres femmes pour échanger, créer des liens ; bénéficier de sorties culturelles ; bénéficier d’ateliers variés mettant en avant leurs possibilités d’apprentissage et de créativité.
La halte femmes de l’Hôtel de Ville, propose en plus un hébergement provisoire de 39 lits et une halte de nuit.
Le Samusocial de Paris leur garantit :
L’inconditionnalité. Toute personne qui se présente est accueillie. Seul le prénom est demandé. Ce qui n’empêche pas d’appliquer les règles de base de respect mutuel et de sécurité.
La considération et la revalorisation. La personne qui franchit le seuil est assurée d’y être accueillie avec disponibilité dans un esprit exempt de toute condescendance et partenalisme.
L’écoute. Dans ces lieux, les femmes peuvent trouver le repos physique mais aussi psychologique car elles ne sont pas sur-sollicitées par les membres de l’équipe. Comme c’est un lieu où l’on ne leur demande rien « en échange », elles peuvent y parler de ce qui les préoccupe, de leur passé, de leur présent difficile, de leurs espoirs, en étant certaines qu’elles ne seront pas jugées mais juste entendues.
Un accompagnement social individualisé. Le travail social se place sur le terrain de la remobilisation, du soutien dans la réappropriation d’un « soi » social, tout en respectant le rythme et le parcours de la personne.
Un accompagnement adapté vers le soin. Ce dernier se jumelle au travail social dans une démarche « d’aller-vers » et ce qu’elle implique, avec pour objectif d’encourager les bénéficiaires à se réinstaller dans la considération de leur état de santé. Cet accompagnement se veut non-standardisé et adaptable en fonction du large spectre des profils des femmes accueillies, mêlant des personnes très éloignées du soin à d’autres plus insérées.
L’apport de la sophrologie dans le cadre du Samusocial de Paris
Dans quelle mesure des séances de sophrologie peuvent s’inscrire dans le cadre d’un protocole d’accueil tel que le proposent ces deux structures.
Par mon expérience sur le terrain, j’ai constaté combien la méthode est d’une manière générale efficiente auprès des personnes fragilisées physiquement, moralement, émotionnellement. Lorsque la sophrologie vient en aide aux personnes les plus (momentanément) démunies, elle s’aligne sur son projet d’origine : accompagner sans condition l’être humain vers un mieux-être, mais surtout, vers l’autonomie.
Après expérience et observation des séances déjà effectuées voici quelques avantages à enseigner la sophrologie aux bénéficiaires du Samusocial de Paris.
Le corps des personnes fragilisées par les circonstances de vie est souvent le premier lieu de crispation, de souffrances. De douleur en douleur, l’importance même du corps en tant que tel peut finir par s’estomper jusqu’à la volonté de le rendre invisible à l’autre, invisible à soi.
Je propose des exercices corporels, des mouvements très doux. Leur objectif est de :
- Travailler la notion d’ancrage (je suis bien là, je suis debout en équilibre)
- Prendre conscience de toutes les régions du corps.
- Prendre conscience de ce qui constitue le corps (la peau, les muscles, les os, les organes internes).
C’est donc à partir de l’expérience du corps, de ses mouvements, de ses ressentis, de ses sensations, que le champ d’action s’élargit (transformations intérieures, regard plus indulgent vis-à-vis de soi, décisions et projections positives vers l’avenir).
Les participantes sont souvent fatiguées. Le corps faiblit, il « suit moins bien » et elles le sentent.
Cette sensation du corps qui « trahit » entraine une sensation de fatigue morale. Je propose des exercices qui favorisent une détente physique, une forme d’abandon du corps dans un espace de confiance et de calme. Cette détente physique entraine automatiquement une détente mentale. Lorsque les femmes se « posent » dans une parenthèse d’une heure, elles prennent automatiquement de la distance avec le stress, l’inquiétude, l’angoisse. Cela leur permet de se ressourcer, de regagner en énergie vitale.
Les participantes sont parfois dans une logique de non-accueil des événements de leur vie.
Ce qui a priori semble des plus naturel puisqu’elles se trouvent en période de grande difficulté et donc de fragilité.
Je propose des exercices ciblés sur l’accueil de l’existant, quel qu’il soit. Cela ne signifie en aucun cas une acceptation passive des éléments perturbateurs ou négatifs de l’existence mais plutôt un « accord avec ». Cet accueil volontaire leur permet de laisser de côté les cogitations délétères pour s’attacher aux aspects positifs de leur existence, mais leur permet également de modifier à leur rythme qui leur semble important de modifier.
La sophrologie invite à une « somatisation positive »
Je propose des mouvements corporels apportant des sensations positives qui agissent de manière positive sur le mental. Je propose également des exercices de visualisation positive qui agissent positivement sur le corps.
Le processus est exactement le même que lorsque des pensées et cogitations négatives agissent de manière négative sur le corps (maladies psychosomatiques) mais en sens inverse. D’où le nom de somatisation positive.
La sophrologie tient compte de la particularité de chaque personne
Je propose des exercices qui respectent l’individualité de chaque participante. Certes ma voix les guide, mais ce sont elles qui vont puiser dans leurs propres ressources ce qui est bon pour elles aujourd’hui, ce qui a été bon pour elles hier et ce qui sera bon pour elles dans l’avenir. Elles mettent en valeur leurs propres capacités en tout domaine. Jusqu’à parfois faire des propositions d’exercices personnalisés.
La sophrologie est un outil inconditionnellement à portée de main
Je propose des exercices concrets, simples, accessibles à toutes et à tous les âges. Il est possible de les insérer, (et parfois même « mine de rien ») dans un quotidien parfois anxiogène et où il y a un manque d’intimité. Elle peut devenir un petit rendez-vous avec soi-même, cette mini séance de 5 minute qui redonne de l’espace, du tonus et de la puissance.
Tous ces points apportés par la sophrologie permettent un processus de restauration, de réparation de soi. Des liens avec soi-même et avec les autres se mettent en place. Cela participe à la possibilité de réenclencher progressivement un processus de réinsertion sociale.
Mon ressenti personnel
Par ailleurs, en dehors de la manifeste légitimité d’enseigner la sophrologie au sein d’une structure telle que le Samusocial de Paris, voilà ce que je ressens à titre personnel depuis que j’ai commencé les séances :
- L’implication totale des participantes et leur désir de découvrir (pour la plupart) la sophrologie et la pratiquer. Il émane d’elles, le plus souvent, une joie authentique à être présentes. Pour celles qui sont plus réservées, elles jouent toujours le jeu de la séance jusqu’au bout. Nombre d’entre elles se réinscrivent une fois sur l’autre.
- Leur curiosité. Elles posent beaucoup de questions sur la méthode et ses champs d’application, sur la littérature autour de la sophrologie. Elles apprécient de venir en fin de séance me poser des questions plus personnelles, ou témoigner d’un bienfait que leur a apporté telle ou telle technique.
- Leur sens de l’humour et une certaine forme de légèreté. Certains exercices leur paraissent un peu incongrus ou drôles et il y a quelques moments de rire et de complicité entre elles mais aussi avec moi. Cela confère une atmosphère plutôt énergique.
- Leur force intérieure. Beaucoup de femmes sont silencieuses et concentrées. Certaines parlent davantage de ce qu’elles traversent et des conséquences que cela a dans leur vie. Pour autant, les mots qu’elles emploient, (même s’ils reflètent la dureté de leur condition du moment) et la posture qu’elles ont ne s’apparentent jamais à de la plainte.
Langage du corps ou langage des mots… j’ai toujours le sentiment d’avoir en face de moi des femmes puissantes.
- Leur franchise. Au moment des partages en fin de séance, elles disent les choses sans fard et de manière très spontanée.
- Leur envie de « raconter » ce qu’elles ressentent après les séances. Évidemment, certaines participantes sont plus silencieuses que d’autres on l’a vu plus haut, mais nombre d’entre elles ont le goût des phrases et les posent merveilleusement bien. Si bien que déjà j’ai recueilli quelques envolées littéraires et poétiques qui m’ont soulevée de gratitude.
* Lieux d’interventions :
Lieu d’hygiène et de soin l’Oasis située dans les locaux du Bain-douche parisien 188 rue de Charenton Paris 12e. Responsable Nadège Letellier.
Halte femmes de l’Hôtel de Ville situé dans le bâtiment de l’Hôtel de Ville à Paris 4e. Responsable Françoise Khenfer.
Crédit : Samusocial de Paris