Partage d’expérience : Tension juste, tonus, qu’est-ce donc vraiment que cela ?
Le Larousse nous dira que la tension est l’état de quelqu’un qui est tendu, contracté, nerveux. Il poursuivra en expliquant que le tonus est, quant à lui, un état de tension permanente dans lequel se trouvent normalement les muscles du squelette. On parle aussi, à son sujet, de dynamisme, de vigueur, d’énergie. Du mot « juste » et plus précisément du mot justesse, ressort l’idée de qualité.
Aujourd’hui, la vie de tous les jours, plus rapide bientôt qu’un train grande vitesse, nous oblige à accélérer si fort pour rester dans la course que souvent, nous tirons sur la corde, nous nous sentons survoltés, tendus bien sûr, épuisés. En pratiquant la sophrologie, nous allons apprendre à retrouver la détente et les sensations associées que nous avions oublié. Un corps plus détendu est le socle d’une part de ce mieux-être que la plupart d’entre nous recherche.
Sophrologie : de la tension à la détente
En séance de sophrologie, il est bon de laisser la voix du sophrologue nous guider vers cette détente. Il est agréable de se sentir plus relaxé. Cependant, soyons d’accord que la sophrologie n’est pas de la relaxation. Aussi, notre rôle, en tant que sophrologue, est d’amener nos clients à toucher les prises de conscience. L’une des premières qu’il me paraît essentiel d’introduire est la perception en soi de la tension juste, la détente n’étant, à mon sens, qu’un état dans l’instant. Je souhaite apporter, dans ma réflexion mais aussi à mes clients, cette idée du tonus qui, sans être linéaire, peut s’établir sur la durée. Repérer dans son corps ses tensions et apprendre à s’en libérer est indispensable à notre bien-être. Cela nous amènera à nous positionner, à l’intérieur de notre corps et dans notre relation à l’autre, dans une dynamique adaptée, qui nous est propre et naturelle.
Les séances de sophrologie que j’expérimente m’aident encore à trouver ce tonus qu’est le mien, autrement dit ma tension juste. Un exercice de relaxation dynamique tel que celui des moulinets permet de sentir la détente dans la tension. Mon bras, en fin d’exercice, est tendu vers l’avant. Je cherche, au travers la perception de mes sensations, à ne pas le contracter. Je perçois alors qu’il peut se maintenir dans l’air sans que je n’aie besoin d’y mettre trop de force.
En dansant…
J’ai la chance d’expérimenter très régulièrement, au travers ma pratique de la danse et du mouvement, ces notions de façon longue et profonde. Récemment, j’ai pris conscience, avec plus de subtilité, de ce que pouvait être un corps tonique et libre de tensions. Après une première expérience du mouvement libre, dansé, j’ai rejoint le sol pour m’y allonger. J’ai pris le temps de recontacter la présence de ma respiration. Dans l’idée de laisser émaner ma danse de ce mouvement intérieur, j’avais en tête de respecter la nouvelle consigne : celle de bouger au ralenti. D’abord, je commençais par mouvoir très petitement le bout de mes doigts, mes mains. Je me rendais compte qu’il m’était difficile de modifier ma position dans ce rythme ralenti sans mettre mon corps en tension. Je tentais, malgré tout, de trouver les chemins. Le mental me guidait. Ce n’était pas très confortable. Je décidais donc de laisser de côté le « comment faire » et de laisser faire. Au bout de quelques minutes d’expérimentation, sans même que je ne le réalise tout de suite, ma conscience s’était modifiée. Du ralenti imposé, j’étais passée à la lenteur.
Percevoir cette nuance fut pour moi une superbe découverte. Du ralenti, autrement dit, d’un geste contrôlé, je passais à la lenteur, soit au mouvement guidé non plus par mon mental, mais par un flux de mouvements intérieurs… Celui de ma respiration, celui du sang probablement, du liquide céphalo-rachidien et de tous ces mouvements internes provoqués par la plus microscopique des cellules. Je ne me posais plus la question de savoir si mon geste était ralenti ou non. Il était, à ce moment-là, dans un rythme, certes lent, mais surtout juste pour moi, dans un rythme naturel. Il était fluide, sans tension totalement adapté à la situation du moment. Aucun de mes muscles superficiels n’était mis en action de façon brutale. Seuls les muscles plus profonds s’activaient pour maintenir mon équilibre. A l’intérieur, ma sensation était douce, calme, tranquille, paisible et surtout très juste. Cet état de corps a provoqué en moi un profond bien-être, un réel apaisement mais aussi une véritable présence. Présence à moi-même et aux autres qui alors dansaient avec moi. Ils avaient leur propre lenteur, leur propre mouvement, leur propre tonus et tout s’imbriquait. Nous parvenions à nous entendre, à être en relation, dans une énergie commune et adaptée.
Il s’agit là d’une expérience personnelle que d’autres ont vécu ou exprimer tout à fait différemment. Pour certain, cette nuance entre ralenti et lenteur manque encore de clarté. Cependant les feedbacks généraux révèlent cette même conclusion : Le mental contrôle le mouvement lorsque celui-ci est ralenti. Dès que le mental est mis entre parenthèse et qu’on ne pense plus à freiner, soit à contrôler sa vitesse, le mouvement devient plus naturel, plus fluide, plus détendu. Néanmoins le passage par le ralenti est vécu comme une nécessité : Il y a d’abord ce besoin d’immobilité et de reconnexion à soi, puis la volonté de freiner le mouvement pour percevoir les sensations de détente et de relâchement qu’il nous est possible d’enclencher, après quoi, le mouvement peut exister par lui-même, sans plus de tensions superflues. Je crois que le corps sait et comprend la plupart de tout ce qui nous semble abstrait.
Cette expérience de tension juste, associée à la vitesse de notre quotidien, m’amène à me/vous interroger : Et si le premier pas vers notre mieux être, vers la découverte d’un corps moins contracté, plus libre de tension, était d’accepter de ralentir ? Laissez nos pas, nos mouvements, notre activité devenir plus lente? « Cela me parait contraignant ! » me direz-vous peut-être. Ce à quoi je répondrai « Oui, au départ, c’est une véritable contrainte. D’abord contrôler sa vitesse, freiner. Nous devons nous l’imposer pour ensuite laisser faire. » Comme le reflet de la pratique sophrologique, modifier son mouvement, sa marche, reste, encore une fois, de l’entraînement. C’est en persévérant que ce nouveau rythme, installé en vous, deviendra une part intégrante de votre flux intérieur. Au travers ce ralenti contraint, activateur d’une part de votre conscience, vous accèderez à une vitesse plus naturelle et recontacterez alors votre tonus, soit votre vigueur, votre dynamisme, votre énergie.
Le ralenti n’est pas voué à devenir un état permanent. Il est une transition pour laisser au corps le temps de comprendre et de s’habituer à un nouvel élan, plus souple et moins contracté. Lorsqu’il aura goûté à cette existence libre des tensions encombrantes, lorsqu’il aura ré intégré son rythme naturel, vous pourrez à nouveau modifier votre cadence pour vivre en adéquation avec les tâches de votre quotidien, sans pour autant vous rendre rigide et tendu. Peut-être même que cette expérience aura mis en exergue l’idée qu’il est possible de choisir ses priorités. Qui sait ?
Le corps garde les traces… celles des courbatures de la vitesse, comme des instants précieux et enveloppants des moments doux et flottants… Jamais il ne vous demandera de le martyriser encore. Ecoutez-le, écoutez-vous. Si ralentir freine le mouvement, le faire devenir plus lent le rend plus plein, plus conscient et plus présent. Oublions le côté péjoratif de la lenteur qui lui donne parfois un aspect nonchalant et sans entrain. Accueillons son éloge comme une chance de passer dans le temps, dans un juste rythme, dans un corps non plus en tension mais en tonus… un corps vivant.
Les exercices de relaxation dynamique que propose la sophrologie sont excellents pour vivre en corps cette notion et la faire s’inscrire en nous comme un automatisme.
La vitesse sous tension n’est ni une fatalité, ni une solution. Elle nous épuise, nous contraint à baisser notre regard et nous empêche de voir loin. Ce n’est pas en rigidifiant notre corps de tensions que nous avancerons. Au contraire, rendons le plus souple, plus disponible, plus tendre… Il gagnera en tonicité, en dynamisme, en vigueur, en énergie. N’est-ce pas finalement les meilleurs carburants pour avancer sur le chemin de la vie en confiance et sérénité ?