Voici mon premier billet, il plaira à celles et à ceux qui doutent de leurs capacités physiques, sportives mais aussi à celles et ceux hésitant à se mettre dans une démarche existentielle pour une vie pleine et accomplie.

C’était en 2012, je me revois faisant mon footing quotidien au Bois de Boulogne-Billancourt. Mes foulées étaient souples et je courrais en confiance le long de l’avenue de la Porte d’Auteuil. Habituellement à cette heure matinale, il y a juste quelques coureurs qui comme moi, profitent de cet endroit pour décompresser de la ville, de la pollution, du bruit. Se retrouver un peu soi-même.

Soudain, je ne me suis plus vraiment senti seul. Je vois déjà sourire certains d’entre vous mais le Bois de Boulogne-Billancourt n’est pas seulement destiné aux rencontres malheureuses et elles peuvent même, comme partout, être heureuses. Alors, je me suis retrouvé à cet instant dans le flux des coureurs du marathon de Paris. Cette rencontre fortuite m’a étonné, interrogé. Pourquoi devais-je être là, à cet instant, à cet endroit précis ? Cette agréable surprise se transforma en une idée pétillante. Et si je les suivais ? Dans la théorie, je n’avais pas le droit d’être là mais vous savez aussi bien que moi, les théories ont parfois besoin d’être bousculées…

Alors j’ai suivi tout ce petit monde en les observant. J’étais devenu un spectateur caméléon décidé à voir de plus près la scène. En effet à l’époque, je courrais seulement depuis un peu plus de 2 ans et me retrouver malgré moi dans un marathon mythique, quel signe ! Mon premier mot fut « admiratif » de voir ces hommes et ces femmes de tout âge, comme vous et moi, bien loin d’être des Haile Gebreselassie, des Kenenisa Bekele, des humains en plein effort, aux visages, contractés, crispés parfois aussi relâchés et souriant. L’intensité des efforts déployés de tous ces corps me rappelant la dure loi de l’apesanteur et l’énergie nécessaire pour arriver en fin de course. Une question c’est immédiatement posée à moi, comme une évidence, car il y avait une vibration différente chez tous ces coureurs : « quel est ce truc en plus qui leur permet d’aller jusqu’au bout ? » Alors des 42,2 kilomètres je les ai accompagnés sur 15 kilomètres et je suis resté à l’arrivée pour me plonger un peu plus dans l’ambiance, contemplant les finishers, leurs émotions et leurs gestes. J’étais totalement conquis et admiratif, et un seul mot raisonnait : HUMILITE.

J’étais « cuit ». Les 15 « petits » kilomètres m’avaient rapidement confronté à la réalité. En tant que bipède commun, je n’ai jamais eu de grandes prédispositions pour la course, pas plus qu’un autre. Mon palmarès sur l’asphalte était de 10 et de 21 kilomètres. Mais à cet instant je me suis dit « Et pourquoi pas essayer » ?

Un marathon comme tout autre course de ce type exige une longue préparation. Elle se traduit sur deux axes : physique et mental. Je crois que pour la partie physique, on sait à peu près tous comment la préparation doit s’articuler, par des phases d’entraînement et de fractionnés mais aussi de repos. Quant au mental ? A mon sens, dans un tel challenge les deux sont nécessaires.

Le marathonien et la sophrologie

Alors je consultai pour la première fois une sophrologue diplômée du CEAS.

Comment vous expliquer ?

Quelle étonnante surprise ! Encore aujourd’hui je me souviens de cette première fois comme si c’était hier. L’anamnèse¹ fut longue et bénéfique. Elle a permis de poser tranquillement mes objectifs. Quand je dis poser cela sous-entend des choses en suspens, tendu par des peurs et des interrogations d’un tel engagement car entre le vouloir et le faire, le pont peut être très long. Alors elle établit un protocole pour nos futures consultations. Il n’y avait pas de jeu de miroir, aucune analyse, aucun jugement. Elle m’engagea simplement à verbaliser mon projet, sans ambages, sans entraves. Ce qui pour moi est le gage d’une alliance forte, efficace, productive.

Puis arriva ma première sophronisation². Allongé les bras le long du corps, elle dura environ 12 minutes. Au moment même où je fermais les yeux, très vite est arrivée la stupéfaction en découvrant une nouvelle dimension de soi. J’ai souri puis je me suis laissé glisser, porter, guider par sa voix, en conscience et en confiance : « tout se passe comme si un 2ème corps venait de prendre la place de celui objectivement dessiné par la médecine »³

Cette première expérience est devenue marquante, une vraie révolution intérieure. Elle suggérait d’autres possibles, un nouveau rapport entre le corps organique et le « je ». Quelle aventure !

Il serait bon que les sophrologues indiquent à leurs clients/patients d’éviter de reprendre la voiture juste après une première séance car le retour chez moi avec la conduite Parisienne fut laborieux.

Les semaines se poursuivirent avec un entraînement physique et une alimentation cadrée. Le jour J se rapprochant, je cumulais les kilomètres. Les sorties longues devenaient de plus en plus longues. Beaucoup de blessures, de chutes mais si le corps physique était parfois douloureux il me rappelait aussi devoir prendre soin de lui. Et j’accueillais avec enthousiasme toutes ces informations corporelles. Les séances de sophrologies continuaient et très vite nous avons appliqué la méthode, par la respiration bien sûr mais aussi avec des exercices du 1er et 2ᵉ degré et de visualisation.

Très vite, j’ai compris que le corps est limité, la conscience quant à elle est illimitée. Le travail sophrologique permet de le comprendre, comme une évidence. Alors que ce soit dans le domaine sportif, sociétal, la sophrologie permet de discerner l’existence d’un nouveau rapport entre soi et sa corporalité.

Car l’intériorité revisitée, de manière répétée (là aussi, en sophrologie il faut s’entraîner) favorise nécessairement une modification dans la communication au « je » et au corps. On découvre un nouvel espace intrinsèque, unique, grâce à une nouvelle relation corporelle, de nos sens. D’ailleurs peut-être cette exploration intérieure n’est pas si nouvelle, elle est peut-être due à la négligence de notre relation avec elle. Le cogito de Descartes « je pense donc je suis » serait maintenant « je sens donc je suis ». Le mental n’étant plus la fondation de notre existence mais un simple élément dont le creuset est corporel.

Le Dr Alfonso Caycedo (père fondateur de la Sophrologie) nous le rappelle si justement :

« la conscience est la force responsable de l’intégration de toutes les structures de l’être ».

Par conséquent, parler juste de « préparation de mental » est un leurre. Le mental n’est pas la conscience. Il est fondé sur l’expérience, les croyances qui elles-mêmes vont servir à l’engagement sportif. Mais cette préparation touche aussi d’autres phénomènes, celui de la conscience. Elle permet d’avoir une meilleure connaissance de soi, de ses capacités, de ses états, de se sentir exister et de transcender ses limites. Oui, la conscience est une force.

Cette compréhension, non pas du fait du mental mais par les sens offre un ancrage. Elle ouvre un positionnement nouveau du corps dans l’espace et le temps et permet de s’en servir comme référence dans ses possibilités sportives.

Le jour J est arrivé. C’était le 6 avril 2014. Le départ est aux Champs-Élysées et j’étais dans le peloton des coureurs finisher 4 heures. Il y avait beaucoup de monde. Nous étions 39 115 coureurs ; que d’énergie ! L’émotion était là et les doutes aussi : mais enfin ? Qu’est-ce que je faisais à cet endroit ? Et pourquoi ? Suis-je capable, assez préparé ?

Au milieu de la foule, j’ai fermé les yeux et automatiquement j’ai fait un exercice sophrologique d’ancrage pour canaliser mon énergie et convoquer toute la confiance, toute la force. Et c’est parti. Comme durant la majorité des courses ça part vite, parfois beaucoup trop vite. Il faut apprendre aussi à ralentir et axer sa cadence sur son tempo. En cela, la gestion des 10 premiers kilomètres a été compliquée. Puis la densité du nombre de coureurs s’est équilibrée, nous sommes moins les uns sur les autres. Je récupère mon espace.

Arrive les 20 kilomètres et je suis dans les temps. Il fait beau, j’ai du plaisir. Je passe la porte des 30 kilomètres, tout va bien. Je commence à voir des coureurs en proie à la fatigue, des personnes à terre, des estomacs fragiles, des crampes. Je continue. Je sais que je dois être vigilant car je viens de dépasser les 30 kilomètres, ce qu’on appelle communément « le mur du Marathon ». Phénomène physiologique reconnu, rencontré le plus souvent au marathon, qui correspond à l’épuisement des réserves de glycogène, dit autrement, à une panne de carburant musculaire. Et il arriva au 37ᵉ kilomètre. Mon amplitude respiratoire est là mais mes jambes sont lourdes, trop lourdes. À cet instant, il n’était plus question de chrono. Et je pense à ma sophrologue, aux exercices et particulièrement à une visualisation associée à un geste-signal prévue en cas de coup dur. Alors je le reproduis avec une intentionnalité : l’humilité. Je convoque mes ressources, je rassemble ma confiance et mes capacités, je me recentre sur le corps. J’augmente mon énergie en lien avec la terre que je foule, l’espace autour et je l’installe profondément. Sans cela les 5 derniers kilomètres aurait été d’avantage ballottés par des doutes. La sophrologie m’a permis de ne pas être en tension, en résistance mais au contraire d’activer mes ressources positives à ce moment clé et j’ai passé le finish en 4h17 minutes avec le sourire.

De par ses fondements : la conception de conscience, de ses principes d’action, de l’approche physiologique, de l’apport phénoménologique, la sophrologie apporte une dimension existentielle permettant d’ajuster son futur en travaillant sur son présent. Tout comme le marathon ou des changements de vie, elle éclaircit les possibilités et lève le voile sur nos capacités, en conscience.

  • 1. L’anamnèse est l’histoire passée du patient/client se déroulant lors du premier entretien.
  • 2. La sophronisation est un processus pour modifier le niveau de conscience conduit par le sophrologue
  • 3. A. Levinson,  “in memoriam” (1929), La Danse de l’avenir.