Si nous connaissons les techniques de la sophrologie, cela peut amener à penser que c’est incompatible avec la surdité, puisqu’il s’agit d’écouter en fermant les yeux et de se laisser porter.

Je suis sophrologue et malentendante, et il y a 3 ans, j’ai franchi les portes de l’école de sophrologie sans m’en poser la question.

« ils ne savaient pas que c’était impossible, alors, ils l’ont fait » – Mark Twain

Oui ! c’est compatible ! Ma professeur et moi, nous avions eu, à l’entretien et la première séance, un aperçu de notre échange et de ce qu’il était possible de faire. Au fur et à mesure de l’entretien, nous avons apporté chacune de notre coté nos savoirs-faire, elle, son métier, et moi, mes capacités d’adaptations en situation. A aucun moment, je me suis dit que je n’y arriverais pas, car je voulais m’en donner les moyens, l’esprit de notre collaboration étant qu’il y avait forcément une solution.

Cela demande au départ quelques ajustements, des explications préalables, des modifications dans la manière de procéder pour échanger avec la personne malentendante. Si je me mets à la place d’un sophrologue entendant, le premier entretien est forcément une découverte, il tente l’aventure avec pour question « comment vais je me faire comprendre ? ». Si je me positionne du coté de la personne malentendante, elle doit d’abord passer par un temps d’habituation à la voix et au mots cités du sophrologue, avant de comprendre ce qu’il lui dit, pour faire moins d’effort de compréhension. Par la suite, la voix du sophrologue lui sera familière.

Dés les premiers instants en séance, il n’est pas nécessaire de savoir ce que le sophrologue dit, car le simple fait d’être déjà accompagné par le son et la musicalité de sa voix suffit pour que la magie opère : le sophronisant est déjà entré dans le phénomène de la vivance. Puis il faudra faire des phrases de préférence courte. Car un sourd n’aura pas à se concentrer sur ce que vous dîtes et par conséquent, ce sera moins fatiguant pour lui. De la même manière, pour le langage des signes, où celui-ci doit être exprimé tout en poésie, dans la beauté du geste. Bien sur que le sophronisé a les yeux ouvert pour regarder ce que vous faites les premiers instants, c’est sa manière d’apprendre. Il s’entrainera chez lui avec comme support un descriptif de l’exercice que vous lui remettrez. Il est important de lui expliquer préalablement les enchaînements, il saura « où mettre les pieds » et avancera dans la même direction que vous, en symbiose. La répétition des enchaînements aide également.

L’objectif du sophrologue est d’orienter la personne à devenir autonome, afin qu’il se serve des techniques de sophrologie pour les reproduire seul à tout moment de sa journée. L’univers de la malentendance n’est pas très éloigné de la sophrologie, à partir du moment où vous fermez les yeux et que vous rentrez dans le monde du silence, tout est là… la sophrologie EST le silence… Le sophronisé malentendant est déjà dedans. Il arrive avec une avance : l’écoute de son intérieur, de ses vivances… Le soucis intervient lorsque la pensée négative émerge de sa conscience pour désordonner son immense palette intérieure.

Et, lorsque le malentendant comprend et effectue les techniques, ses vivances sont là, acceptées, comprises, avec à nouveau un regard bienveillant sur lui-même. Il s’ouvre au monde et accepte son handicap, revient à la chose-même sans jugement… ce sont les meilleures récompenses pour un sophrologue.