A maux cachés…

Le stress professionnel, ainsi que les diverses formes de souffrance ou de mal-être des salariés se retrouvent sous le générique de « risques psycho-sociaux » (RPS).
Le mot apparaît depuis peu dans les entreprises pour qualifier un phénomène croissant. En Europe, par exemple, plus d’un salarié sur cinq déclare souffrir de problèmes de santé, liés notamment au stress professionnel (INRS, avril 2012). En France, précisément, un salarié sur six estime que sa santé est affectée par les situations professionnelles. Une littérature scientifique foisonnante existe sur le sujet et notre volonté, ici, n’est ni de détailler des chiffres, ni de pointer du doigt les « mauvais élèves » ou d’encenser les quelques pays précurseurs en matière de prévention (exemple : la Belgique, les pays d’Europe du Nord ou le Canada).

Le qualificatif « RPS » a le mérite d’exister, pour mettre des mots sur des situations professionnelles, dont les conséquences sont toujours coûteuses tant sur le plan humain, que financier ou sociétal. Le qualificatif existe donc… mais semble relativement consensuel et édulcoré :

  • consensuel : car il n’évoque pas explicitement le champ professionnel, à savoir l’entreprise avec ses facteurs individuels et organisationnels (ne faudrait-il pas parler dans ce cas, de « risques psycho-professionnels » ou de « risques psycho-sociaux du travail » ?)
  • édulcoré : car il camoufle justement les situations individuelles, parfois dramatiques, et les nombreux maux qui peuvent en résulter.

L’importance de l’Humain

Pour prévenir les « RPS », l’entreprise peut agir sur des facteurs organisationnels et sur des facteurs humains. Parmi les réponses relatives au champ organisationnel, l’on retrouve notamment une multitude de prestations axées sur le management, la gestion des priorités, la gestion du temps, les audits etc. C’est très bien… mais il s’avère que ces prestations sont souvent mises en oeuvre, non pas à titre préventif, mais à titre curatif (autrement dit, « une fois que le mal est fait ») ; par ailleurs, elles semblent souvent insuffisantes, car elles se concentrent précisément sur les aspects structurels. Or, une structure n’est rien sans les hommes. Le facteur humain est bien la première richesse d’une entreprise ; et de l’avis de sophrologue, c’est bien à ce niveau que se situe le problème !

« Les deux choses les plus importantes n’apparaissent pas au bilan d’une entreprise : sa réputation et ses hommes ». H. Ford

Mais savons-nous réellement discerner ce qui est important, de ce qui est urgent ?

Nous vivons dans une société de l’urgence, où l’urgence même semble donner de l’importance. En caricaturant : « j’ai de multiples urgences, donc j’ai de l’importance et des responsabilités aux yeux des autres ». Il existe une multitude de raisons, pour créer ou se trouver des urgences…(*) comme il existe bon nombre d’outils pour gérer ses priorités et apprécier les dites urgences. Pourtant, nous semblons ignorer que le mot « urgence » provient du latin « urgere »… qui signifie : presser ! Le mot « important » nous vient, quant à lui, du verbe latin « importare » : susciter, attirer, apporter…
Le premier mot évoque la constriction, la contraction ou le resserrement ; le second l’ouverture et l’expansion. Pour le sophrologue, comme pour toute personne consciente et « en quête de cohérence » (Confidences d’un homme en quête de cohérence – Thierry Janssen), il s’agit de s’ouvrir à soi et au monde. A titre personnel, je préfère d’ailleurs l’expansion à la constriction !

(*) au niveau des urgences médicales, les vraies urgences, c’est-à-dire vitales, constituent entre 3 et 7 % des appels et des consultations. Cela nous laisse à réfléchir sur nos prétendues urgences quotidiennes !

La sophrologie, science de la conscience : une réponse face aux « Risques psycho-sociaux du travail »

La sophrologie peut s’inscrire dans une démarche thérapeutique, mais il convient surtout de préciser les avantages de la discipline dans une logique de prévention. En effet, la sophrologie peut s’inscrire dans une dimension « pédagogique » pour le salarié (être à l’écoute de son corps, connaître ses limites, s’accorder des moments d’intériorité, identifier des valeurs existentielles…)… et « philosophique » pour l’entreprise (accorder de l’importance à l’individu, s’inscrire dans une démarche « éthique » vis-à-vis de l’existence et de l’humain en particulier, en-dehors de toute motivation extrinsèque, comme l’argent par exemple).
Dans cette application, la sophrologie pourra reposer sur une double approche de la conscience :

  • une conscience « mentale », c’est-à-dire la perception de soi, de son corps, de son environnement. C’est un préalable indispensable pour que l’ouverture à soi et au monde soit possible.
  • la conscience morale, c’est-à-dire le respect d’une éthique, de règles : respect de l’humain, respect de l’environnement et de l’existence. A priori, cela relève de l’entreprise, dans les dires et surtout dans les faits. Mais cette conscience morale n’existe pas, ou alors mal, sans la responsabilité et l’engagement de chacun.

A travers cette démarche, l’on retrouve précisément ce que le Dr Caycedo appelle une « pédagogie de l’existence ». Pour le collaborateur, elle permet de mieux s’adapter, de mieux faire face aux difficultés qu’il rencontre, en lui suggérant un nouveau projet existentiel. Pour l’entreprise : la sophrologie peut permettre à la structure de s’inscrire dans un projet sociétal ou éthique, plus ouvert sur l’homme et son environnement.

Il s’agit au final d’un engagement, qui implique à la base :

  • d’identifier toute chose avant qu’elle ne devienne objet de souffrance ou urgence : c’est de la responsabilité de l’individu lui-même, que d’être à l’écoute de son corps, et de gérer de façon cohérente ses pensées, ses émotions. C’est de la responsabilité des dirigeants, que de prendre des décisions respectueuses des hommes et de la vie.
  • de parfois s’accorder une pause, de ne pas se presser, en se retournant « juste » vers ce qui est important : l’Existence seule. Souvenons-nous que le verbe « reposer » (se reposer) nous vient de l’ancien français « repauser », qui renvoie à la « pause », c’est-à-dire à l’arrêt temporaire de l’activité ou du travail.

Et, pour mieux en saisir le sens, peut-être est-il intéressant de faire un détour par la langue de Goethe : le verbe « stellen » signifie « poser ». « Wieder stellen » , signifie poser à nouveau. Enfin,« wiederherstellen » signifie « guérir » …