La posture se définit par “la position du corps ou d’une de ses parties dans l’espace” (Larousse). Si, en sophrologie, l’on considère que tout Humain, dans sa verticalité, est un “trait d’union entre le ciel et la Terre” (Dr Patrick-André Chené), entre le spirituel et le matériel… qu’en est-il du sophrologue lui-même, dans son horizontalité, c’est-à-dire dans ses rapports ou relations aux autres, et en particulier de son client ?

Il s’agit, là également, d’une posture, mais entendue, cette fois-ci, comme “une attitude morale de quelqu’un” (Littré) ou d’une conduite ou d’un comportement (Wikipédia).

Cet article tentera de répondre à la question qu’est susceptible de se poser toute personne ayant recours à un sophrologue : quelle est la posture ou l’attitude “juste” du sophrologue lors des séances, avant, pendant, après ? Comment en être à peu près sûr ?

Le sujet, passionnant, a tendance à passionner les débats entre sophrologues ! Pour preuve : le nombre de commentaires publiés, à l’issue d’une récente réflexion lancée dans un forum spécialement dédié aux professionnels de la sophrologie. Or, ce qui relève de la passion tient généralement d’un “état intense et irraisonné qui domine une personne ou un groupe” ; c’est également un “mouvement affectif très vif qui s’empare de quelqu’un en lui faisant prendre parti, parfois violemment, pour ou contre quelque chose ou quelqu’un”. En soi, cela signifie qu’il y a un besoin plus profond qui cherche à s’ex-primer. Et selon la formule, “ce qui ne s’exprime pas, s’imprime” ! Ces questionnements, passionnés et passionnants, sont donc salutaires, car ils permettent de repositionner la posture du professionnel.

La posture du sophrologue commence avec la sophrologie

Pour tenter de répondre en toute objectivité à la question de fond, il convient de rappeler les 4 principes fondamentaux, tels qu’édictés par le Dr Alfonso Caycedo, fondateur de la sophrologie. Ces principes devraient guider la pratique du sophrologue :

1- Le principe d’action positive

“Toute action positive dirigée vers la conscience se répercute positivement sur tous les éléments psychiques”. Cela sous-entend que la pratique du sophrologue se portera sur les contenus ressentis comme positifs par le client lui-même (et non par le sophrologue !) : souvenirs, images, mots porteurs, objets, sensations, perceptions, projets…

De fait, cela exclut tout contenu formulé par le sophrologue seul, qui n’a pas été préalablement évoqué par le client. Evidemment, cela exclut les appréciations, injonctions, conseils, du type “vous pouvez, vous devez, je vous conseille de…”

2- Le principe du schéma corporel comme réalité vécue

“La conquête du corps est la conquête de l’esprit”

Au-delà de la définition classique qui consiste à dire que le schéma corporel est la représentation que chacun se fait de son corps, en sophrologie, ce principe relève plus particulièrement de trois niveaux :

  • le niveau physique (le corps dans son ensemble, les organes, les tissus),
  • le niveau instinctif, moteur, affectif et émotionnel,
  • le niveau psychique, intellectuel et intuitif.

Il va de soi que le sophrologue devra prendre en compte l’ensemble de ces trois niveaux. Contre-exemple : pour une cliente souffrant du syndrome des jambes sans repos (non évoqué lors de l’entretien préalable) : “vous êtes maintenant parfaitement détendue et vos jambes sont légères et immobiles” !

3- Le principe de réalité objective

Ce principe est d’une importance capitale dans la relation sophrologue – client

Il s’attache à la personnalité même du sophrologue qui “doit comprendre et percevoir son propre état de conscience pour en tenir compte face à celui de son patient” (Dr Patrick André Chené). Il s’agit donc d’établir une alliance, c’est-à-dire un accord, un pacte, une entente. Etymologiquement, le mot alliance nous vient du vieux français “allier”, constitué du préfixe latin “ad” (près de…) et de “ligare” (unir, lier, attacher). Si le sophrologue comprend et perçoit son propre état de conscience, il peut donc se placer en tant que guide, c’est-à-dire comme étant une personne donnant une direction, un sens. De fait, cela exclut une “direction” non conforme aux 4 principes fondamentaux de la sophrologie détaillés ici. Contre-exemple : “j’ai beaucoup travaillé dans le domaine des soins énergétiques et je ressens quand il y a des blocages. Votre chakra du coeur est bloqué. Il faudrait travailler sur l’ouverture aux autres, car il y a un sens à tout et cette expérience là n’est pas anodine pour vous et c’est aussi une leçon à tirer”. En l’espèce, ici, on ne parle plus de sophrologie (dans ce cas, il faut le dire !) et, de surcroît, ce discours frôle la manipulation mentale !

Le sophrologue est donc un guide, il aide à avancer sur un chemin balisé… non pas par lui, mais par la discipline qu’il exerce et dont il doit tenir compte. En d’autres termes, le sophrologue ne fait pas de hors piste ! S’il devait en faire, de façon involontaire, il s’agirait pour lui de le reconnaître, sans se chercher des excuses…

4- Le principe d’adaptabilité

Toutes les techniques et théories pratiquées par le sophrologue doivent s’adapter à la réalité des patients et non l’inverse. Pour reprendre notre métaphore, l’accompagnateur de montagne ne va pas s’improviser guide de haute montagne, a fortiori avec un randonneur ayant peur du vide !

Il s’agit donc pour le sophrologue de conserver une attitude positive et souple, y compris face aux imprévus, face à la nouveauté, face aux nécessités de changements.

Ces deux derniers principes sont constitutifs du concept d’alliance sophronique, c’est-à-dire de la relation entre le sophrologue et son client. Cette relation n’a rien à voir avec certains modèles en vigueur dans certaines relations “thérapeutiques” :

  • le modèle “réaliste” : Patient => Thérapeute. On retrouve cette relation notamment en psychanalyse. Le Thérapeute accueille ou “capte” ce qui est dit, afin que le contenu puisse être interprété et analysé.
  • le modèle “idéaliste” : Thérapeute => Patient. A différents degrés, le thérapeute exprime, suggère (coaching, consulting, TCC, EMDR, hypnose thérapeutique, dans une moindre mesure…)
  • Modèle utilisé en sophrologie : il est d’apparence plus complexe, résulte d’une philosophie, absolument fondamentale dans notre discipline : la phénoménologie.

Pour le père de ce courant philosophique, Edmund Husserl (1859 – 1938), il s’agit toujours de :

  • “revenir à l’essence même” ou à la “chose elle-même”
  • suspendre tout jugement sur ce qui est
  • mettre en parenthèse ce qui est est

Plus concrètement, en sophrologie cela se traduit par un retour constant vers la conscience de soi et de l’autre. Pour le sophrologue, il s’agit aussi de s’abstenir de tout jugement, donc de s’abstenir de tout a priori, préjugé, présupposé etc. Enfin, il s’agit de se mettre entre parenthèse, autrement dit soi (le sophrologue), ainsi que le client pour créer une relation ou un “espace” neutre où l’on peut se retrouver (cela exclut donc les relations directives ou analytiques, où se mêlent interprétations, conseils…). Ce mode relationnel implique une grande empathie, qui “nécessite d’entrer dans le monde de l’Autre et de vivre ce monde, tant que faire se peut, avec lui” (Dr Patrick-André Chené – Fondements et méthodologie de la sophrologie, concepts fondamentaux).

A y regarder de plus près, il s’agit donc d’une relation assez simple et spontanée. Mais la simplicité et la spontanéité ne coulent pas forcément de source. Parfois, la source peut ne pas être fluide et limpide !

La posture et la compétence

En-dehors de ces principes de base, il est utile de rappeler que la compétence de tout professionnel s’articule autour d’une conjonction de trois facteurs :

  • le savoir : tout être humain possède un savoir. Il se compose de l’ensemble des connaissances acquises par l’apprentissage (études, formation) et par l’expérience.
  • le savoir-faire : il se définit comme une habileté à mettre en oeuvre son expérience et ses connaissances dans une activité, quelle qu’elle soit. C’est l’alliance de la connaissance et de l’action qui relève de l’expérience de la pratique.
  • le savoir-être : c’est une notion plus complexe qui se situe entre la connaissance et l’action. Elle ne se limite pas, et surtout pas pour un sophrologue, à savoir utiliser ses savoirs (ses connaissances) dans une situation donnée, autrement dit à exécuter uniquement ce qu’il sait ou, pire, ce qu’il croit savoir ! En l’occurrence, l’attitude est primordiale ; autrement dit, la connaissance de protocoles et de techniques de sophrologie est stérile si celle-ci n’est pas assimilée c’est-à-dire si elle n’est pas liée à une attitude appropriée. A contrario, le savoir-être seul est inutile sans les connaissances. Le savoir-être pourra, cependant, pallier quelques carences en termes d’expérience c’est-à-dire de mise en pratique, dans le respect -toujours- des fondements de la sophrologie.

Pour s’assurer de l’attitude “juste”, le sophrologue dispose de plusieurs leviers :

  • un travail personnel en amont de sa formation, durant puis après : cela passe par un accompagnement de type supervision,
  • la formation continue, notamment en PNL, en communication bienveillante ou en Communication Non-Violente auprès d’un professionnel dûment formé et reconnu comme tel, le cas échéant,
  • les échanges de pratiques, avec des collègues sophrologues et/ou des professionnels issus d’équipes pluridisciplinaires (psychologue, assistante sociale, professions médicales ou paramédicales…),
  • les retours de clients ou de tiers… et sur cette base, un engagement conscient dans un processus d’amélioration.
  • “la mise en parenthèse de soi” implique nécessairement pour le sophrologue de ne pas s’enfermer dans des certitudes ou des excuses.

Thomas d’Asembourg, spécialiste incontesté de la Communication Non Violente précise, très justement au sujet de l’enfermement, qu’il s’agit en réalité de “l’enfer me ment” : autrement dit, une conscience auto-centrée et nécessairement rétrécie, qui serait contraire à l’esprit même de la sophrologie.

Car jamais la posture du sophrologue ne doit devenir une imposture !