J’étais, il y a quelques semaines de cela, assise sur le siège passager de ma voiture. Mon ami était au volant et nous étions arrêtés par les fameux bouchons lyonnais. A défaut de nous régaler les babines de mets typiques de la région, nous attendions que les voitures, devant nous et celles de devant encore, finissent par avancer. C’est là que, dans un soupir, il m’a dit :

«  C’est fou quand même, on passe notre temps à attendre… attendre ici, attendre à la caisse du supermarché, attendre dans les files, attendre les vacances, attendre des courriers… On passe notre temps à attendre et pourtant on ne cesse de dire qu’on n’a le temps de rien ! »

Ses mots ont fusé tout à fait naturellement, mais mon esprit, lui, s’est accroché à ses phrases. Il venait d’éclairer une évidence. Après lui avoir souri, je l’ai remercié pour sa pensée qui, déjà, attisait ma réflexion.

Combien de fois avons-nous entendu ou peut-être même dit cette phrase : « le temps passe vite ! »  «  C’est fou je n’ai le temps de rien ! » Pourtant, ses mots résonnent encore, « Dans cette société, on passe notre temps à attendre ! » … Ne voyez-vous pas là un paradoxe ? Cela voudrait-il dire, indirectement, que nous passons notre temps à attendre que des choses se passent, tout en courant ici ou là, comme un besoin de rattraper le temps perdu ? Car c’est une expression que l’on entend souvent, également : « je perds mon temps »… « Je perds mon temps à attendre que les bouchons se dissipent afin de rentrer chez moi où mille choses encore m’attendent… C’est simple, je n’aurais jamais le temps de tout faire !! » …

Cette question du temps semble complexe. Nous perdons du temps à attendre des choses qui ne dépendent pas de nous et nous nous pressons pour réaliser nos tâches afin d’être dans les temps… Tiens, voici une nouvelle expression : Etre dans les temps !

Bien ! Il est donc clair, et si nous devions le résumer, que le temps est une notion essentielle à notre vie. D’ailleurs, notre temps sur terre est compté. Alors pourquoi, finalement, ne pas se presser à faire le maximum de choses ? Néanmoins, on entend qu’il faut aussi prendre son temps, avant de s’engager par exemple, avant d’accomplir quelque chose d’important… Mais les journées ne font que 24h et si je dois prendre mon temps, tout en le comptant, tout en le pressant, tout en le compressant, tout en le dilatant, véritablement va venir le temps où j’en perdrais la notion…

L’entraînement, un point essentiel de la pratique de la sophrologie

Le temps est une idée qui m’intéresse tout particulièrement, surtout dans mon métier de sophrologue. Souvent, les gens arrivent au cabinet essoufflés. Une fois la respiration réenclenchée, j’évoque un point important de la pratique sophrologique, à savoir l’entraînement. Fréquemment, la question reste la même : « Où vais-je trouver le temps ? »

Et pourquoi ne pas le cueillir dans toutes ces fois où nous attendons justement ? Dans les bouchons, à la caisse du supermarché, que sais-je encore…Ici, là, ou ailleurs, chaque fois que l’attente est provoquée par un incident, évènement, que nous ne maîtrisons pas.

En général, et de façon plus naturelle, nous aurons plus facilement tendance à râler, grogner, nous plaindre… Et si nous changions notre regard ? Et si ces multiples temps d’attente étaient un bénéfice pour reprendre notre souffle ? Et si, plutôt que de nous agacer et d’offrir des tensions à notre corps, nous nous concentrions sur notre respiration, sur nos sensations, sur ce qui se passe en nous quand nous invitons le calme ?

C’est contradictoire allez-vous peut-être me dire : «  je voudrais raccourcir l’attente et c’est un peu comme si vous me demandiez de l’allonger… d’étirer mes respirations … »

C’est exactement ça… en quelques sortes. Allonger le temps n’est pas rendre l’attente plus pénible. Allonger le temps au travers une connexion à nous-même, par la respiration par exemple, permet de l’emplir de vie et non plus de vide. Ces temps d’attente dont nous ne pouvons rien, nous donnent la sensation de perdre des minutes ou heures précieuses. Ce n’est peut-être qu’un leurre. Je ne dis pas que ce n’est pas rageant parfois, ni que je ne m’agace jamais. Je saupoudre juste nos esprits par une éventualité : Celle de gagner de l’énergie durant l’attente plutôt que d’en perdre, celle de combler nos manques d’air par un plein d’oxygène, celle de combler notre fatigue par un plein de positif.

Adage que l’on m’a transmis, que je transmets à mon tour et que j’aime énormément :

Attente = Détente

Si, en utilisant ces temps « vides », ces temps « qui ne servent à rien », ces temps « à perdre notre temps » et que nous ne pouvons de toutes évidences pas changer, nous les transformions en des temps de ressources, des sas, des temps calmes de retour à nous-même, alors peut-être vivrons-nous l’attente de façon moins rageante et négative.

Concrètement comment faire ? Il y a des quantités de façons qui conviendraient peut-être à l’un mais pas à l’autre. Cependant, ma pratique de la sophrologie m’invite à vous offrir déjà quelques outils passant par un nécessaire retour vers le corps :

  • Observez votre respiration, puis respirez. Voyez, sentez votre ventre se gonfler sur l’inspiration et se dégonfler sur l’expiration.
  • Desserrez vos mâchoires, décoller votre langue de votre palais. Laissez tomber vos épaules pour libérer votre cou. Déverrouillez légèrement vos genoux.
  • Continuez à respirer tranquillement.
  • Pensez à quelque chose qui est agréable pour vous. Sans juger. Peu importe ce que c’est. Si cela vous fait du bien pensez-y.
  • Souriez.
  • Soupirez.
  • Et si le cœur vous en dit, vous pouvez même vous mettre à chanter.

Si cette année, nous cessions de perdre notre temps ? Si nous l’accueillions comme un présent, précieux. Si nous expérimentions le fait que chaque minute a son utilité et qu’il nous appartient de la faire vivre, de la construire, de la faire vibrer, dormir ou respirer ? Si, cette année, nous devenions les gardiens du temps ? Les gardiens de notre temps ?

Je ne garantis pas de résultats. Je pense juste que, petit à petit, nous deviendrions de plus en plus gagnants.

Nous passons à l’intérieur du temps. Profitons de la visite comme une chance de porter sur l’environnement, les autres et nous-mêmes un regard bienveillant.

J’aime à croire que chaque jour, chaque heure, chaque minute et pourquoi pas seconde, a sa part d’importance dans le temps qui nous est donné. C’est un cadeau, c’est un présent. Même si nous ne le chérissons pas toujours lorsqu’il est, à notre sens, trop lent ou trop rapide, il a de la valeur. Avec la sophrologie, nous pouvons décider de reprendre les rênes de notre vie et d’en choisir le rythme. N’est-ce pas précieux ?

« Je l’aime tant, le temps qui reste…
Je veux rire, courir, pleurer, parler,
Et voir, et croire
Et boire, danser,
Crier, manger, nager, bondir, désobéir
J’ai pas fini, j’ai pas fini
Voler, chanter, partir, repartir
Souffrir, aimer
Je l’aime tant le temps qui reste
Je ne sais plus où je suis né, ni quand
Je sais qu’il n’y a pas longtemps…
Et que mon pays c’est la vie
Je sais aussi que mon père disait :
Le temps c’est comme ton pain…
Gardes-en pour demain…
J’ai encore du pain

Encore du temps, mais combien ?
Je veux jouer encore…
Je veux rire des montagnes de rires,
Je veux pleurer des torrents de larmes,
Je veux boire des bateaux entiers de vin
De Bordeaux et d’Italie
Et danser, crier, voler, nager dans tous les océans
J’ai pas fini, j’ai pas fini
Je veux chanter
Je veux parler jusqu’à la fin de ma voix…
Je l’aime tant le temps qui reste… »

Serge Reggiani