“Il faut” est le verbe conjugué le plus usuel que nous employons pour exprimer une nécessité, sans doute parce qu’il est le plus simple, le plus direct.

Je pratique depuis des années un entraînement (amusant comme un jeu de piste !), à visée souple et libre, intitulé « il ne faut pas dire “il faut” ». (Cela a fait l’objet d’un des paragraphes de mon livre “365 gestes pour mon bien-être”.) Observons dans un premier temps les diverses possibilités à travers des exercices par étapes, ouvrons des champs nouveaux, plus dégagés, plus fluides à nos modes de pensée et de perception :

1 – “Il ne faut pas dire : « il faut »…” :

Incroyable de réaliser quand nous nous observons, combien nombre de nos phrases commencent par ce verbe… Et nous y mettons bien des choses… Ce que nous croyons dur comme fer, notre vision de la vie, (“ça doit être comme cela”), à partir de là, nous allons peut-être débusquer une habitude bien ancrée à conseiller (puisque bien sûr, notre perception est la meilleure…)

S’obliger à changer cette expression – terriblement fréquente, vous vous en apercevrez ! – vous fera prendre conscience de l’impressionnante utilisation que nous en faisons… Et peut-être cela vous éclairera-t-il sur vos attitudes, sur ce que vous mettez dans vos “il faut”…

Chaque fois qu’un “il faut” vous échappe ou juste avant de prononcer la phrase fatidique, trouvez un synonyme (par exemple : “il est nécessaire de”, “il vaut mieux”, “c’est préférable”…)

En plus cela élargira votre vocabulaire !

(Pouvez-vous aussi entendre ce que vous mettez dans ces “il faut” ?)

Retour au corps et pause d’intégration.

2 – J’ai étendu et affiné l’application dans un manuscrit (actuellement non édité), dans la mesure de l’évolution de mes pratiques. Cela induit une perception légèrement différente :

… Par exemple : « il faut que j’aille à la boulangerie, sinon on n’aura plus de pain. » Ou « il faut que je me dépêche sinon, je vais être en retard (et rater mon train, ou me faire mal voir ou engueuler au boulot)… » Ce genre de pensée ou de formulation verbale comporte deux éléments contraignants : d’une part la nécessité d’effectuer une action (caractère d’obligation renforcé), d’autre part, la menace (sinon, attention aux conséquences) qui semble peser sur nous ! (en l’occurrence : manquer de pain ou arriver en retard !). Ce qui induit une notion anxiogène de cet avenir proche ou immédiat… Observons, de manière neutre, sans nous en vouloir pour autant, la fréquence avec laquelle nous maltraitons notre esprit et notre perception du monde avec de semblables phrases.

Lorsque nous aurons repéré l’une de ces petites pensées ou expressions désagréables, évacuons-la sur un ou plusieurs expirs conscients. (Marquons une brève Pause d’Intégration.) Et exerçons-nous à trouver une formulation plus libre (par exemple, en gardant l’idée citée : ” je suis vigilant(e) afin d’arriver à l’heure (et je passerai par la boulangerie !)… “)

Ressentons la liberté ou l’allégement que procure cette façon d’envisager l’acte à accomplir. (Félicitons-nous de cet espace que nous nous sommes octroyé !)

La répétition de cet exercice finit par dégager un nouvel état d’esprit, plus fluide, plus… positif !

Puis :

3 – Il ne faut pas dire “il faut”… « Monter la gamme »

“Il faut” induit une notion d’obligation, voire de contrainte parfois gênante.

En matière de communication interpersonnelle, il signe le conseil que nous donnons (ou qu’on nous fournit). Cela révèle souvent une façon d’évincer la problématique exprimée. (“Il faut faire ça et ça va s’arranger !” Hop-là !)

Pourtant, il s’avère parfois important de souligner une nécessité. – Par exemple “Il faut s’entraîner quotidiennement (ou régulièrement) pour apprendre à jouer d’un instrument de musique et progresser.” Nous en conviendrons tous ! – Comment nous libérer de cette formulation qui parfois nous dérange et nous pèse ?

En Montant la Gamme !

“Il serait intéressant, bien, utile… de… Il est nécessaire, important, indispensable, fondamental, crucial… de…” “Il convient de…”

A nos verbes, notre vocabulaire, à nos idées ! Cela permet également de donner des critères d’intensité différente aux nécessités en évitant l’aspect obligatoire et un peu rébarbatif du “il faut“. Nous ouvrons alors un espace d’invitations, de possibilités, de chemins à parcourir…

4 – Depuis, à la faveur de toutes ces années où je me suis exercée, j’ai découvert des ouvertures insoupçonnées dans cette pratique ! Changer le verbe peut permettre à notre regard d’évoluer positivement, en nous plaçant sous un angle différent.

M’étant surprise à penser, un soir où j’avais des invités et souhaitais profiter de leur présence : “il faut que je nourrisse mes chiens.” J’ai cherché d’autres formulations (que méritent bien mes petits compagnons poilus). D’abord s’est présenté : “c’est l’heure des croquettes.” Une réalité objective ! Puis : “mes chiens ont faim.” (Ils le manifestaient !) La légère obligation s’est alors transformée en acte bienveillant dans le but de prendre soin des toutous, à veiller à satisfaire leur besoins ! (Ils ont reçu leurs croquettes avec encore plus de tendresse que les autres jours !)

J’ai alors réalisé que chercher à modifier le verbe changeait radicalement mon point de vue sur la situation, beaucoup plus que je ne l’aurais pensé jusque-là !

5 – « J’ai besoin de… »

Et aussi : “j’ai besoin de…” Nous pouvons nous dire : “il faut que j’étudie encore cette question, ce sujet (ou que je révise, ou que je m’améliore sur tel point, ou que je me remette au chant, etc…)” Remplaçons le caractère contraignant par une notion de besoin personnel, d’écoute et d’expression de nous-mêmes, d’attentes utiles, de perspectives nouvelles… Cela devient alors une manière d’entrer en amitié avec nous-mêmes !

(Je vous avoue que j’ai besoin de faire des progrès en informatique et autres dérivés ! Ça me simplifiera la vie et améliorera mes relations parfois tendues avec les nouvelles technologies !)

6 – Y a-t-il des situations pour lesquelles nous ne parvenons pas – « pour le moment » ! – à trouver une formulation plus ouverte ? – Observons… Laissons passer en soufflant tranquillement ! Et… “gardons une fenêtre ouverte” ! !

En tant que sophrologue, il m’est indispensable de cultiver avec bonheur, enthousiasme et curiosité l’état d’esprit visant à faire phénomène, c’est-à-dire à accueillir l’instant présent dans toute sa nouveauté. (Rassurez-vous, je n’y parviens pas toujours ! Les sophrologues sont aussi des êtres humains !) La danse intérieure se situe entre observation bienveillante (pour moi souvent dotée de paillettes d’humour) : “contemplation”, “mise à distance”, RDC2. J’utilise également le choix d’attitudes et d’ouverture à des systèmes de pensée nouveaux, à travers des pratiques. Advient aussi, s’étend toujours plus, l’accueil heureux de ce qui se présente : notre cerise sur le gâteau !

Cela s’offre à tous !

 

Sylvie Condesse